Polantis a rencontré Clément Valente, BIM Manager et ingénieur méthodes, auteur de l’ouvrage BIM & BTP / Construire grâce à la maquette numérique . Voici une interview relatant son parcours, sa passion pour le BIM et son point de vue sur les « objets intelligents » qui composent la maquette numérique.
Polantis : Comment vous êtes-vous intéressé au BIM, quel a été votre parcours vers cette méthode de travail ?
Clément Valente : En fait, je pense que j’étais prêt pour le BIM avant même qu’il ne soit désigné par cet acronyme ! Je n’ai donc pas l’impression d’être tombé dans le BIM mais plutôt de suivre une évolution naturelle et nécessaire du secteur de la construction. Je me rappelle de mon sentiment principal lors de mes premières années professionnelles : le BTP, quel secteur approximatif ! C’était dingue ! Alors, motivé par mon envie d’optimiser les procédés constructifs, les méthodes m’ont permis de contribuer aux succès de plusieurs grandes opérations de construction. J’ai intégré à mes fonctions ce qu’on pourrait qualifier de « prémices d’une utilisation du BIM » dès mes débuts dans la fonction en établissant fréquemment des documents de méthodes en 3D, des planifications 4D et autres exploitations d’une maquette numérique en entreprise de construction. Finalement, j’observe le BIM se répandre autour de moi et prendre une dimension titanesque avec le sentiment qu’au fond, on n’invente pas grand-chose !
Quels sont les enjeux du BIM pour les industriels, selon vous ?
Qui dit BIM dit « objet 3D intelligent ». On parle d’objets « paramétriques » dans le jargon de la maquette numérique. La modélisation d’un ouvrage en 3D devient presque aussi simple qu’un jeu de Légo grâce aux logiciels de maquette numérique, à la condition que les pièces de Légo existent ! Vous n’allez tout de même pas les fabriquer vous-même ! Un architecte est comme n’importe quel chef d’entreprise, il doit justifier d’une rentabilité. Le temps passé à modéliser une maquette lui coûte. Alors si des banques d’objets paramétriques telles que Polantis lui fournissent des solutions clé en main qui, de surcroit, lui offrent la garantie que les objets employés sont parfaitement conformes aux produits réels des fournisseurs en intégrant toutes leurs données techniques, évidement qu’ils ne vont pas se priver de leur usage.
Un architecte est certes un concepteur, mais il est aussi de fait prescripteur. Même si imposer une marque précise de matériau au constructeur n’est souvent pas envisageable, l’emploi d’objets paramétriques répondant à un catalogue fournisseur va très souvent enfermer le constructeur dans un choix de produits naturellement restreint par l’accumulation des caractéristiques techniques devant être respectées. Si bien qu’à la fin le nom du fournisseur à l’origine de l’objet paramétrique employé ressort comme une évidence aux yeux du constructeur, et donc sous forme de commande dans le portefeuille du fournisseur !
Du côté des fournisseurs, l’enjeu va donc bien au-delà du fait de suivre une mode. On ne parle pas ici d’une démarche marketing dérisoire comparable à celle d’offrir à l’architecte du coin un « joli mug tatoué du logo de la marque » pour Noël ! L’enjeu pour les fournisseurs est réel et extrêmement important, et lancer une démarche de transcription de leurs catalogues en objets BIM est un challenge à relever très rapidement, sous peine de rester sur le quai de la gare à regarder le train partir…
Et plus globalement, quelle est votre vision du BIM en France ?
Je ne suis pas prédicateur, mais je pense que la France est prête pour le BIM : le gouvernement est même plutôt moteur en la matière. La médiatisation assez large des notions de « transition numérique » à un niveau global, maintenant déclinée en un « plan de transition numérique du bâtiment » produisent leurs effets. Le nombre de recherches en lien avec le BIM suit une évolution constante à chacune de ces annonces. Les majors de la construction sont toutes en train de former leurs collaborateurs au BIM et d’investir dans des parcs logiciels nouveaux, entrainant avec eux les bureaux d’études et l’ensemble de leurs associés. Le quotidien actuel des constructeurs est jalonné de remises d’offres de prix à marge nulle voire négative. Alors certes, financièrement les investissements sont difficiles à encaisser, mais contextuellement l’envie d’innover et de se démarquer, ne serait-ce que commercialement, est un vrai levier de motivation. Et en cela le BIM constitue une réponse idéale. C’est à mon sens ce phénomène qui marque le point de non-retour que nous sommes en train de franchir : si les constructeurs adoptent tous une démarche BIM, toute la chaine sera contrainte d’en faire autant, en commençant par les concepteurs pour finalement atteindre les exploitants d’ouvrages et les Facility Managers. Un seul point vient nuancer à mes yeux ce tableau : 9 entreprises sur 10 ont moins de 10 salariés. Et ça, c’est un vrai problème. Comment absorber des investissements aussi conséquents dans ces conditions ? L’externalisation sous forme d’achat de « prestations BIM » a un bel avenir devant lui ! Je pense donc qu’au cours de la prochaine décennie beaucoup de choses vont changer dans le secteur de la construction en France, et la granulométrie actuelle des entreprises va constituer un vrai frein dans l’adoption du processus BIM.
Et au niveau mondial, qu’observez-vous ?
Au niveau mondial, les indicateurs sont tous au vert : chaque année plusieurs pays rejoignent la tendance globale d’imposition de l’emploi d’une maquette numérique pour les marchés publics d’État. Si les contours de ces obligations varient, la forme reste similaire et finalement tout le monde se retrouve autour de schémas communs. Le format IFC, désormais devenu une norme ISO, donc mondiale et à application volontaire, illustre bien qu’on s’oriente vers une quasi-uniformisation des pratiques. Cette concurrence entre les pays est à mon sens très bénéfique et exacerbe la motivation individuelle des États. Lorsque la bonne odeur du barbecue de votre voisin vient jusqu’à vos narines, vous avez subitement envie d’en faire de même ! Chaque pays surveille son voisin de la même manière. Certes, à la fin c’est le boucher qui empoche le plus, mais il n’empêche que tout le monde y a trouvé son compte !
Pour en revenir à votre ouvrage, quelle est la principale raison qui vous a poussé à écrire sur le BIM ?
Au travers de mon livre « BIM & BTP / Construire grâce à la maquette numérique » je souhaite offrir une vision large et motivante de ce qu’est le BIM et surtout des usages concrets qui peuvent en être fait à tous les niveaux, du concepteur au constructeur, jusqu’à l’exploitant. Il est important je trouve de gommer cette étiquette de « sujet nébuleux » qui colle à la peau du BIM lorsqu’on en parle avec les professionnels de terrain, et j’espère pouvoir y contribuer au travers de ce livre.
Nous vous suggérons ces articles :
Le catalogue CAO et BIM Interpon réalisé par Polantis