Le jeudi 10 octobre, des industriels et des professionnels de la construction étaient présents dans les locaux d’Abvent pour assister au nouvel Apéro Prescription organisé par BIMobject et Polantis. Damien Cordier, architecte associé chez DRLW Architectes, présentait le projet Merck Millipore, un projet 100% BIM.
Damien, quel est votre parcours en quelques mots ?
Après un DESS Architecture et Archéologie à l’Université Marc Bloch de Strasbourg en 2005, j’ai obtenu le diplôme d’Architecte DPLG en 2006. Après plusieurs expériences en agence puis à mon compte, en janvier 2014, j’ai rejoint Denis Dietschy, Jean-Marc Lesage et Christian Weinmann à la tête de l’agence DRLW architectes, après 4 années de collaboration.
Pour moi, chaque bâtiment doit être à la fois fonctionnel, « porteur d’image » et respectueux de l’environnement. La rigueur et la précision apprises sur les sites archéologiques m’inspirent encore aujourd’hui pour gérer les opérations dont j’ai la responsabilité. J’ai été formé très jeune au travail collaboratif, aujourd’hui, je suis le référent DRLW pour la généralisation du Building Information Modeling (BIM).
Sur quels marchés intervient votre agence, quels types de projets ?
Depuis sa création, en 1979, DRLW architectes a développé une solide expérience dans des domaines et des échelles très variés. Basée à Mulhouse, notre agence compte 4 associés et une trentaine de collaborateurs. Elle intervient en tant qu’architecte mandataire sur tout le territoire français pour des maîtres d’ouvrage publics ou privés sur des projets extrêmement divers en réhabilitation ou en neuf : gares et aéroports internationaux, programmes de logements, bâtiments tertiaires ou industriels, résidence d’accueil pour personnes âgées, établissements scolaires, piscines et gymnases … Par exemple, il y a deux ans, nous avons livré l’aéroport de Mayotte en bois, le centre de maintenance du nouveau tram de Besançon.
Nous avons également travaillé sur la réhabilitation de bâtiments tertiaires comme la maison d’Alsace à Paris. Le projet, présenté lors de cet Apéro Prescription, est la construction d’un bâtiment composé d’un showroom, laboratoire et de bureaux pour Merck Millipore à Molsheim, près de Strasbourg.
« Ce qui est réellement intéressant dans ce projet entièrement mené en BIM, est la correspondance voire la quasi exactitude entre la maquette conception et le bâtiment construit.«
Pouvez-vous nous expliquer le projet Merck ?
Merck Millipore souhaitait construire un showroom clients comprenant : un accueil client, des laboratoires, des salles de conférences, des bureaux et du stockage. Le Projet en quelques chiffres :
– Maître d’ouvrage : Merck Millipore
– Collaboration avec le cabinet d’ingénierie tous corps d’état : OTE.
– Surface : 4 100 m2
– Coût : 9,3 millions d’euros
– Mission de DRLW architectes : complète
– 1er fichier Master plan réalisé en 2017
– Chantier : 13 mois
– Livraison du chantier : 2019
L’objectif de ce showroom est d’accueillir les clients venant de toute l’Europe et du monde entier. Ce bâtiment devient une véritable vitrine, un support de communication valorisant pour le groupe Merck.
Comment et pourquoi votre agence a-t-elle remporté ce projet ?
Le BIM a été la clé pour remporter ce projet. Dès le départ, nous avons présenté au client des maquettes BIM, même s’il ne le demandait pas. Nous lui avons expliqué l’intérêt de travailler en BIM pour lui et pour nous. Avant, l’architecte travaillait sur des dessins, des maquettes 2D et maintenant toutes les informations sont intégrées dans une maquette 3D. La maquette s’enrichit au fur et à mesure de l’avancement du projet en intégrant toutes les données techniques du Bâtiment.
Nous avons été force de propositions vis-à-vis du client : notre agence a dessiné le projet en 2D, on a proposé une étude du site et fait une préconisation du lieu d’implantation du bâtiment.
Pour étayer notre discours, nous avons réalisé les premières maquettes 3D. Ces dernières se sont révélées être un outil d’aide à la décision pour le maître d’ouvrage qui a mieux compris le projet, il a pu se balader dans la maquette et prendre des décisions plus rapidement.
Pour faciliter la présentation du projet lors de l’Apéro Prescription, Damien a comparé les PDFs et les maquettes réalisées sur ARCHICAD.
Avez-vous mené des études en amont du projet ?
Oui, nous avons mené plusieurs types d’études en amont pour bien préparer le projet.
Dans un premier temps, un « Space Planner » a étudié l’environnement de travail des salariés, les espaces de travail et de rangement nécessaires en fonction des métiers. Il a réalisé une synthèse des besoins afin d’optimiser le bien-être, le confort des employés et rationaliser l’espace de travail.
En parallèle de cette étude, la modélisation en BIM du bâtiment a participé également à l’optimisation des lieux.
Également, des études d’ensoleillement, thermiques et d’exposition ont été réalisées avec OTE. Sur ce projet, il était nécessaire de gérer la double peau micro-perforée du bâtiment, le patio plein sud, le laboratoire entièrement vitré. Grâce aux études, le patio a été bien orienté et pensé : la forme trapézoïdale, les dimensions, la qualité du vitrage et les protections solaires bien choisies.
Nous avons été capable de produire rapidement des études, de fournir des maquettes 3D pour que le client valide à chaque étape et prenne les bonnes décisions pour que le projet avance selon le planning établi.
Une maquette BIM qui s’enrichit à chaque phase :
- Phase APS,
o Validation du programme complet :
– Emplacement du showroom,
– Un laboratoire plus grand que prévu avec des vraies chambres
froides, des salles de séminaires et des bureaux accueillant 120
personnes à l’étage,
– L’introduction et la validation d’un patio dans le bâtiment.
Notre agence a utilisé l’image des molécules et des neurotransmetteurs entre les synapses pour concevoir la peau du bâtiment. Le design du bâtiment reflète le métier du groupe Merck.
Dès la phase APS, il était intéressant pour le Maître d’ouvrage de disposer de la maquette BIM. Il a pu se balader dedans ce qui lui a permis d’identifier tous les espaces, leur taille, le mobilier : l’entrée, le hall, le showroom. Les échanges entre l’agence et le client ont été facilités grâce à la maquette.
Dès cette phase, en partenariat avec OTE nous avons réalisé les vrais chiffrages avec les économistes ce qui permet de savoir précisément de quoi on parle et non établir des ratios « à la louche ».
- En phase APD,
- C’est la phase du dimensionnement des structures réalisé par l’ingénieur pour optimiser la taille des espaces et définir le squelette du bâtiment ;
- Il est intéressant que les fabricants du CVC modélisent leurs produits en BIM pour que les ingénieurs disposent des bons objets tout de suite ce qui facilite le travail de renseignements des propriétés. Généralement, la modélisation des fluides est effectuée après la phase APD.
Avant la phase APD, on a souvent des schémas et des études statiques mais on a rarement des maquettes 3D. La modélisation des structures est établie en phase APS mais rarement les fluides. La phase APD sert de support pour faire le permis de construire et accessoirement pour faire toutes les perspectives.
J’ai communiqué une perspective de ce projet au client et je me suis avancé sur le fait que le projet serait construit tel que modélisé car nos études étaient précises, quantifiées, il y avait un vrai modèle 3D. La réalité du projet a validé la perspective.
La maquette a montré toute la signalétique normée par Merck : toutes les perspectives avec les plafonds micro-perforés, les types de luminaires, les tables tactiles et le patio …
- En phase Pro, pour travailler en BIM, il faut :
- beaucoup de méthodologie,
- et des chartes graphiques bien normées.
La maquette 3D est plus détaillée en phase Pro. Il est possible d’afficher les parties que le bureau d’étude a intégré dans la partie structure, CVC, électricité. La maquette permet de modéliser et voir les emplacements des interrupteurs, des prises. Le client voit et comprend la maquette et se projette dans le projet fini.
- Phase DCE :
Comme sur la perspective, ce qui est intéressant à cette phase est que le client commence à comprendre qu’au-dessus du faux plafond, il y a de l’éclairage, de la ventilation et que tout cela prend de la place, donc le client comprend les enjeux, les espaces et ce qu’il achète.
On peut faire une coupe dans la maquette et se balader dedans. C’est l’intérêt pour l’ingénieur travaux qui commence à rentrer dans la technique. Par exemple, dans les laboratoires, tous les éléments ont été modélisés : les prises de courant, les arrivées d’air, eau, le calpinage des faux plafonds … Avec la maquette 3D, on sait précisément si les fluides sont bien placés, s’il y a tous les tuyaux…
On a utilisé le logiciel Solibri pour faire la synthèse entre les modèles et vérifier les clashs.
- Phase chantier :
- En tant qu’architecte, on a besoin de concevoir un bel espace, agréable (l’architecte modélise les formes, ajoute les textures…) et les ingénieurs définissent le squelette du bâtiment et toutes la techniques indispensable au fonctionnement.
- Le type de luminaire, de sol… la majorité des éléments préconisés dans les phases de conception ont été conservés en phase chantier.
Vous travaillez sur ARCHICAD, avez-vous collaboré facilement avec les autres parties prenantes du projet ?
Notre agence a 40 ans et travaillait avec AutoCAD, SketchUp, mais parfois on bougeait une fenêtre en 2D dans le plan et dans la coupe on ne le faisait pas et encore moins dans la maquette. Moi, j’ai commencé à travailler très tôt avec ARCHICAD, j’ai parcouru les autres logiciels mais j’ai préféré les fonctionnalités d’ARCHICAD qui sont plus intuitives et qui répondent exactement à nos besoins.
Quel que soit le logiciel BIM utilisé par les autres parties prenantes, l’objectif est de faire un projet en 3D avec des caractéristiques techniques hiérarchisées. En fait, il faut que tous les acteurs du projet (architectes, ingénieur fluide, ingénieur structure…) communiquent entre eux à chaque phase. Il n’y a pas de méthodologie toute faite, on utilise les IFC si plusieurs acteurs utilisent des logiciels différents. Quand on a livré une maquette BIM, on livre du format IFC.
Le client possède l’IFC de l’architecte où il retrouve l’ensemble des données ainsi que leur provenance, l’IFC de l’ingénieur structure, l’IFC de l’ingénieur fluide, celui de l’architecte … Ensuite, d’autres logiciels peuvent faire la synthèse comme Solibri.
Le client peut avoir un logiciel pour faire l’exploitation de sa maquette et c’est ce logiciel qui doit ouvrir un IFC de la maquette ARCHICAD afin de ne pas perdre de données. Avec le bureau d’études, ce projet a été conduit 100% en BIM et reflète tout le savoir-faire de notre agence.
« Comme tout projet architectural, on laisse une trace pendant de nombreuses années. «
Comment avez-vous géré les niveaux de détails selon les phases du projet ?
Le piège du BIM est que dès la phase APS, on fait tout de suite un PRO, or le projet évolue… Sur ce projet en particulier, nous avons mis en place une méthodologie assez forte pour faciliter la prise de décision du client. En APS, on avait 7 variantes et le projet a évolué dans tous les sens.
« Ce qui est important est de savoir ce que l’on veut valider à chaque phase et avancer étape par étape. »
Aujourd’hui, notre agence utilise BIMoffice, qui grâce à sa base de données unique rassemble tous les outils de pilotage des projets. La liaison s’effectue entre nos fichiers ARCHICAD et BIMoffice et les économistes sont en train d’apprendre à chiffrer nos projets grâce à la maquette BIM.
Quelles conclusions pouvez-vous tirer de ce beau projet mené en BIM ?
Le client a été très satisfait de ce projet qui correspond à ce qu’il souhaitait. Finalement, avoir travailler en BIM a permis au client de se projeter, de prendre des décisions rapides et valider chaque étape du projet. Il y a eu beaucoup moins de surprises pendant le chantier que pour un projet non BIM. Tout a été anticipé et a permis de travailler efficacement en phase chantier et de respecter les délais du client.
En savoir plus sur le projet de l’agence DRLW architectes et ses projets : https://drlw.fr/projets/
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