D’ici 2017, le BIM sera obligatoire pour les projets du marché public. Après de nombreux pays qui l’ont déjà fait – enfin une réforme BIM en France, qui rejoint la révolution BIM mondiale. Le pays avec le marché de construction le plus grand en Europe, sera-t-il aussi le leader dans le domaine du BIM?
Cécile Duflot, la ministre de l’Egalité des territoires et du Logement, a annoncé dans un entretien paru dans Le Moniteur du 18 mars 2014 que le gouvernement Français va « progressivement rendre obligatoire la maquette numérique dans les marchés publics d’Etat en 2017 ».
Que veut dire le terme « Maquette numérique »?
La maquette numérique est un modèle 3D du bâtiment ou structure à construire. Cette maquette contient des composants “intelligents” (des objets 3D représentants des portes, des fenêtres, des revêtements de sol, etc.) qui contiennent des informations essentielles. Par exemple, une fenêtre contiendra non seulement toutes ses dimensions possibles en fonction du ratio longueur / hauteur pouvant être fabriquées mais aussi son poids, ses couleurs, ses matériaux, les coordonnées et logo du fabricant, les normes (NF, CE) les performances thermiques etc. Une maquette numérique est donc constituée de centaines (voir de milliers) de tels objets contenant de l’information.
La maquette numérique est parfois confondue en France avec le BIM lui même. En effet, il n’y a pas un équivalent en Anglais du terme « Maquette Numérique ». Malgré le fait que toute copie 2D ou 3D d’un objet réel peut techniquement être appelée « Une maquette numérique » ce terme est utilisé en France uniquement dans le contexte d’un processus BIM. Du coup; rendre la maquette numérique obligatoire veut dire tout simplement qu’il y aura une réforme BIM en France d’ici 2017 dans laquelle un processus BIM sera imposé sur l’ensemble des professionnels concevants et construisants des projets du marché public d’Etat.
Que sait-on déjà de la réforme BIM en France?
La Ministre ajoute à sa déclaration que la maquette numérique devient obligatoire en 2017, la phrase: « je suis sûre que les collectivités suivront très rapidement ». Là nous pouvons constater la première esquisse ou le phasage de cette réforme – Tout d’abord les projets de l’État puis ensuite les projets des collectivités. Cette précision nous indique que Cécile Duflot s’est probablement bien renseignée sur les réformes BIM dans le monde où systématiquement les réformes ont été testées sur une petite échelle d’abord avant de s’étendre sur l’ensemble des services publics et territoires du pays concerné. Par exemple, La réforme BIM en Grande Bretagne qui sera appliquée sur 100% des territoires Britanniques et sur 100% des services publics d’ici 2016 a débuté en 2013 avec le ministère de la justice du gouvernement de sa majesté. Les leçons tirées de l’application du projet pilote de la « petite réforme » de ce ministère sont aussitôt appliquées sur la « grande réforme » qui sera mise en exécution dès 2016. Cela permet, tout simplement « d’apprendre sur le tas » et s’assurer que des erreurs et difficultés rencontrées sur un champs restreint d’application ne se répètent pas dans une plus grande échelle.
Quels sont les « challenges » de la réforme BIM en France?
Afin de mieux comprendre les enjeux de cette réforme BIM Française, nous allons l’examiner sous les critères de la seule autre réforme de grande envergure d’un grand pays Européen – Le Royaume Uni.
Le timing
Les Britanniques ont annoncé leur réforme BIM en 2011 avec un plan d’exécution de 5 ans. Si les engagements de Madame la ministre sont respectés, la réforme BIM en France aura un délai d’exécution beaucoup moins long – 3 ans seulement. Cela est faisable si la France sait tirer les conclusions de l’expérience Britannique en adaptant et en appliquant sans état d’âme le modèle Anglo-Saxon. Peut-être un peu cuisiné « à la Française ». 3 ans c’est court pour faire une réforme BIM complète mais amplement suffisant si l’on commence par l’État et que l’on continue avec les collectivités locales.
Le modèle
Selon Trino BELTRAN le Directeur R&D et innovation de Bouygues Bâtiment International les Anglais ont « re-inventé le BIM » (propos tenus lors de la conférence BIM et maquette numérique du Groupe Le Moniteur du 21 Mars 2014). Selon M. BELTRAN, les engagements que demandent les autorités au Royaume Uni de leur marché de construction sont:
- Construire 33% moins cher
- Construire 50% plus vite
- Que 50% des opérations se fassent à l’étranger
La Grande Bretagne pousse ses industries à exporter leurs compétences et savoir-faire. Dans ce dessein – et avec beaucoup d’engagement du secteur privé – ils ont su créer une réforme très différente de toutes les autres réformes. Ce qui est le plus intelligent dans le modèle britannique est le phasage – Le BIM Level II d’abord (avec son rendu en COBie) puis l’ajout progressif des fonctions et modules depuis la 3D jusqu’à la « 6D » – La Grande Bretagne a monté de toutes pièces une réforme qui lui est propre, taillée sur mesure et correspondant parfaitement à ses objectifs. Que fera la France? Saura-t-elle surmonter sa « fierté » et comprendre qu’il n’y a pas de honte à passer par le chemin d’ores et déjà tracé par les Anglo-Saxons – Il y a de fortes chances que la réforme Française soit un grand succès. Par contre, si les instances de l’Etat sont victimes de leur propre orgueil, ou s’ils succombent à des lobbies de toutes sortes ou qu’ils essayent de « re-inventer l’eau chaude Française » – Cette réforme sera vouée à l’échec.
La communication
Un des challenge majeur de la réussite de cette réforme Française du BIM est la communication ou plutôt « l’évangélisation » du BIM. Qui dit BIM dit collaboration. La France ne devrait surtout pas répéter l’erreur Britannique du début de leur réforme: Communiquer qu’avec le secteur qui semble le plus critique (Les Maîtres d’oeuvre). En négligeant les autres secteurs comme la Fabrication des produits, la promotion immobilière ou même la Maitrise d’ouvrage elle-même (ce qui était le cas en Grande Bretagne…) – Ralentira considérablement la réforme et créera beaucoup de confusion.
Il faut beaucoup de courage et beaucoup de solidarité pour faire un changement si Important dans le processus de travail de la plus grande industrie du bâtiment en Europe. Nicolas BOUTET, architecte, expert BIM et manager de l’agence VBNB a témoigné aujourd’hui lors de la conférence BIM du Groupe Le Moniteur: « Il faut changer les méthodes de travail des architectes en France et les approcher des méthodes Britanniques… Lorsque l’on travail avec une maquette numérique il y a une multitude de données qui doivent être saisies en amont. La méthode Française [ESQ; APS; APD…] n’est pas forcement bien adaptée à l’ère du BIM et doit être révisée ».
Bonjour,
Est ce que le BIM concerne seulement les BE et architectes? Est ce que les artisans et petites entreprises du bâtiments seront impacté par le BIM? Si oui, quel type de métier? Quand est-il des projets de rénovation, sont ils exclus de la démarche BIM?
Merci d’avance de votre réponse.
Marie
Bonjour Marie,
Le BIM n’impactera pas à terme uniquement les Architectes et les BE. Il est vrai que pour le moment les architectes, ingénieurs, MO et industriels sont les plus concernés, mais avec les nouvelles technologies liés au BIM (par ex: réalité augmentée sur tablette) et avec la naissance de nouveaux métiers (par ex: BIM manager) petit à petit ça sera aussi « le tour » des artisans et entreprises générales.
En ce qui concerne les projets des rénovation: Cela relève de la question de « BIMiser l’existant » il est possible d’avoir une démarche BIM pour des bâtiments déjà construits à condition qu’il y est un relevé BIM exécuté pour ces bâtiment et non pas juste un simple relevé architectural et que les données captées par ce relevé soient saisis dans une maquette numérique. Cela nécessite un certain savoir faire (qui demeure encore rare de nos jours) – les avantages sont considérables. Surtout pour la gestion de la vie du bâtiment après la livraison du chantier.
En bref, pour les architectes, BE, industriels et MO le BIM est déjà au stade « pragmatique » de son évolution. Pour le reste des métiers du bâtiment il est encore au stade des « adopteurs précoces » (early adopters) mais comme le BIM est là pour rester – ceux qui s’y mettent aujourd’hui – profiterons énormément dans le futur proche…
Bonjour à tous, dans un projet scolaire autour du BTP, je m’intéresse à la méthode BIM. Savez-vous si à partir de 2017, les agences de construction n’adoptant pas la réforme risquent une amende ? Merci par avance de votre réponse, Lucie
Bonjour Lucie,
Non, il n’y a pas d’amande ni obligation quelconque par l’état Français. Tout simplement, à partir de 2017 la majeure partie, voir la totalité des appels à projet publiques auront une exigence de rendre une « maquette numérique » qui devrait attester de l’utilisation et de l’application d’une méthodologie BIM. Il n’y a pas de « punition » pour ceux qui ne seront « pas BIM » en 2017 mais ceux qui ne se mettent pas à jour aujourd’hui – ne pourront pas vraiment répondre aux exigences du projet.
Si le BIM est si fantastique pourquoi faut il l’imposer ?
Il aurait du le faire naturellement auprès de professionnels qui ne sont pas forcément des imbéciles.
La promesse est alléchante : 33% moins cher, 50% plus vite : fantastique à un moment ou en ayant bien rincé les honoraires et compressé les entreprises on arrive même plus a rentrer dans des enveloppes qui n’ont progressées qu’à la marge mais avec lesquelles on doit intégrer toujours plus de contraintes.
En soit je n’ai rien contre le BIM, je fait de la CAO depuis 1988 et on en parlait déjà. Mais encore une fois pourquoi l’imposer d’en haut ? Un bon outil s’impose de lui même en général (exemple : la roue, le feu, la plume, l’imprimerie, le stylo, la CAO, etc).
A moins que certain lobbys…
Il est vrai, le BIM est pas mal fantastique, le « problème » est que pas tous ceux qui sont susceptibles de l’adopter – l’adoptent réellement. Je suis d’accord avec vous, imposer n’est jamais une bonne chose. Mais ça a toujours était l’outil facile de chaque gouvernement qui voulait passer une réforme – les carottes ou le baton. Les pays qui imposent une réforme BIM quelque-part obligent leurs architectes à se « goinfrer des carottes » en disant – « à partir de la date X nous n’acceptons que les projets rendus en tel ou tel façon ». C’est une manière pour eux d’assurer qu’il y est suffisamment des architectes capables de travailler avec une méthode BIM ce qui entrainera une réduction des coûts pour la maîtrise d’ouvrage publique.
Il ne faut pas oublier que certaines agences d’archi sont déjà passé au BIM (quelques unes même à 100%) les « adopteurs précoces » (early adopters) profitent en premier. Le gouvernement essaye tout simplement d’accélérer les processus naturels du marché. Il est fort probable qu’il y est des agences qui vont disparaître comme il y en avait lors du passage de dessin à la main vers la CAO « traditionnelle ». Certaines agences vont prospérer par contre car il sauront tourner le BIM en leur profit. C’est un phénomène naturel qui survient à chaque changement / avancé technologique. Vous avez parlé de la roue du feu et de la plume, n’oublions pas qu’avant il y avait des hommes qui allumaient les réverbères à gaz, des calèches, des vendeurs de glace en bloc pour réfrigération… Tous ces métiers ont disparu. Ceux qui ont compris vite le changement ont su rebondir et changer de cap…
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